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 Voilà un texte que j'ai commencé à découvrir début septembre ( il n'était à ce moment là pas achevé) en allant promener sur le web, et en m'arrêtant sur le site Tauromaquis. Dès les premières lignes je me suis senti interpellé et accroché par l'analyse faite par Olivier Deck de ceux qu'il nomme les Tauromaques, et que les animalistes cloisonnés définissent comme des barbares. Je me reconnais dans pas mal de ses propos et de ses idées et je pensais que son observation  juste et pertinente  méritait d'être partagée sur le blog de torosfrejus, car ce texte aurait pu être écrit dans le cadre de notre lutte pour le maintien de notre passion à Fréjus. Depuis l'actualité nous a confirmé que c'est l'ensemble de la carte taurine qui est visée par les groupuscules, avec des méthodes de commandos,  et le manuscrit tombe davantage à propos. Je remercie à nouveau Olivier Deck d'avoir autorisé la publication intégrale de ces lignes sur notre support et invite les Tauronautes à donner leur point de vue ou à faire des commentaires.
M. Coelho


Frises-et-decors 8978 RR

NOUS, LES BARBARES I                         Par Olivier DECK

 

Il ne suffit pas de naître sur une terre de tradition taurine pour comprendre la corrida. Même si la terre natale, pour peu qu’on y vive ses jeunes années, marque durablement le corps et l’âme, qui sont une même chose, cela n’implique pas que cette âme-corps sera l’espace de passions particulières, pouvant animer l’existence de bout en bout et l’éclairer d’une lumière particulière. Au mieux, on peut croire à de plus grandes chances de croiser dans l’enfance la route des toros. S’il semble parfois que la tauromachie a fini par s’inscrire au patrimoine génétique des Andalous, des Carmarguais, des Salmantins, des Basques ou des Gascons, on trouve de Bayonne à Nîmes, de Dax à Séville et du Puerto en Arles une majorité de gens qui ne s’en réclament pas, et parmi eux une poignée qui souhaiteraient la voir interdite, au prétexte qu’elle est un relief de barbarie dans une société dont nous savons à quel point elle a perdu ses repères traditionnels, et combien elle s’évertue à nier les principes même de l’existence, où tout se joue sans cesse à la vie, à la mort.

Je ne vous apprends rien, la Barbarie, avant tout c’est l’ailleurs. Voyez, désormais certains de nos concitoyens nous considèrent comme des barbares, et donc des étrangers. Au sein d’une même communauté d’hommes, ceux qui s’inscrivent dans une tradition autochtone, séculaire, qu’il voudraient voir perpétuée, non telle qu’en elle même - elle ne serait alors qu’un folklore, dénué d’intérêt véritable-, mais en marche avec la réalité et ses cycles de renouveau, ceux-là sont des étrangers, des barbares dont il faut éradiquer les coutumes arriérées et qu’il est impératif d’évangéliser sans plus tarder.

Les barbares de jadis étaient des peuples puissants, cultivés et dévastateurs. Ils envahissaient, ravageaient, pillaient tuaient pour s’arroger des terres et des richesses. Aujourd’hui, nous, les barbares, n’avons rien à conquérir, nous ne prenons rien à personne, nous respectons les lois du mieux possible et sommes considérés comme une frange attardée de la société contemporaine, une tribu qui laisserait libre cours à ses pulsions archaïques en se repaissant du spectacle de la torture d’un animal. C’est tout à fait erroné, et même un absolu contresens, en tout point. Les pulsions archaïques, celles-là même qui agitent l’âme de tous les humains, y compris les « amis des bêtes », à quoi bon les dénier ? Nous ne serions sans elles que de purs ectoplasmes. Elles sont structurelles de l’être et lui permettent de grandir, de s’élever. Tout réside dans leur emploi et leur domination. Elles trouvent dans la passion taurine un espace favorable à leur équilibre. On voit bien ici ou là quelque poivrot s’engueuler avec son voisin de gradins, parfois, mais le hooliganisme n’a pas sa place dans une arène. La corrida ne suscite pas « ça ».

(...)

 Frises-et-decors 8975R

NOUS, LES BARBARES II

 

Notre unique dévastation consiste à exister en tant que nous mêmes et à aimer ce que nous aimons, que nous voudrions rester libre d’aimer, parce que ce n’est pas aux ignorants de nous dire ce qu’est ou n’est pas la corrida. Cela, c’est nous qui le savons. La corrida ne se comprend que lorsqu’elle s’éprouve. Si l’on peut l’aimer d’un coup de foudre, on ne la connaît pas en trois dimanches. On peut la saisir, cela s’est vu, tout d’un bloc, par intuition, comme une évidence, une illumination, distinguer d’emblée en elle ce magma intime qu’elle atteint et remue, il faudra quand même des années de présence, d’émotions, de joies et de tristesses pour entrer dans sa vraie compréhension et se pénétrer d’elle, pour savoir ce qu’elle est et l’aimer en connaissance de cause.

Il est des corridas qui déshonorent les tauromaches, quand d’autres l’enrichissent et transcendent le grand œuvre de l’Humanité. Je n’ai aucun besoin des leçons d’un ignorant pour le savoir. Lorsqu’ils défendent la corrida, les tauromaches parlent de la corrida, quand les opposants qui l’attaquent parlent justement de ce qu’elle n’est pas. Ils prennent pour la réalité une illusion créée par un mode de pensée – une mode de pensée – lui-même issu de la néo-sensibilité citadine, partant majoritaire, mode qui s’autoproclame juste et universel, à la manière d’un despote, agit par suggestion sur la masse et endigue son entendement. Les opposants apparaissent parfois, dans la violence de leurs actes, leur déraison et leur ignorance, comme des êtres auxquels on aurait peint des yeux sur les paupières closes, et qui croiraient aux images de leur regard postiche. La démocratie a posé le primat de la majorité, les temps qui viennent l’assignent désormais à penser les minorités structurelles de son ensemble, donner un sens nouveau au truisme qui veut que « la » majorité se constitue « des » minorités. La pratique de la liberté produit en elle l’éclosion, la profusion des sensibilités particulières qui revendiquent leurs droits, à la tête desquelles celui d’exister. La pratique de la liberté produit aussi les toxines liberticides. La standardisation des consciences, des appétences, et des modes de satisfaction du désir, c’est-à-dire la standardisation du plaisir, répond à un effort constant des pouvoirs, en collusion toujours plus étroite avec le monde marchand, au point qu’aujourd’hui la sphère dirigeante est animée par l’esprit commerçant. Cette « démocratie de marché » rencontre des résistances intrinsèques, endémiques, qui montrent que le panurgisme n’est pas la Panacée pouvant durablement sauver - à tout le moins guérir -, un occident malade, qui s’use et dégringole à force de cette utilisation vulgaire du formidable instrument de liberté qu’il a inventé, et ne sait pas actualiser dans une logique de paix et d’équilibre. On ne peut nier l’ambivalence des forces qui nous animent. Certains ont leur intérêt au dysfonctionnement, ils y gagnent, ne devinant pas l’ombre menaçante du désastre, ou la devinant mais préférant tirer tout le jus et la chair de ce fruit avant qu’il ne pourrisse sous les orages. Ce sont les cyniques qui dominent et gouvernent ce monde crépusculaire, instillant leurs principes spécieux qui voudraient le troupeau couvert d’une laine uniforme, plus facile à teindre et à tondre. Les opposants à la tauromachie ne sont que les rejetons inconscients de ces dangereuses puissances.

(...)
Frises-et-decors 8975R   

NOUS, LES BARBARES III (FIN)

Être tauromache, c’est résister à l’avancée de ce rouleau-compresseur. Il s’agit de revendiquer le droit d’appartenir à un courant de sensibilité en partie distinct de celui de la masse, en quoi l’on comprendra que la masse le perçoive comme un certain danger. En partie seulement, parce que s’il peut être considéré comme résistant à certaines normes sociales, il n’en est pas pour autant un marginal. On trouve des tauromaches dans toutes les strates de la société. La nécessité évoquée plus haut de repenser les minorités butera ici sur une difficulté, une question devenue cruciale : qu’est-ce qu’une minorité ? Ce n’est pas mon métier, ni l’objet de ces pages que d’y répondre.

Les tauromaches ne constituent pas un groupe à proprement parler. Ils ne se réclament pas d’une seule et même culture, même s’il serait aisé de distinguer des points communs entre celui d’Oslo, de Boston ou de Madrid. Une fois encore, je me permets d’insister sur la distinction devenue nécessaire entre le tauromache et le simple aficionado (le simple amateur) ou le spectateur occasionnel. Aucun de ces derniers ne réfléchit vraiment son goût pour la corrida - sans doute, n’en éprouvent-ils pas le besoin et se trouvent-ils très heureux ainsi. « C’est comme ça ». Chacun d’eux se comporte de plus en plus comme élément d’une communauté. De plus en plus, on reconnaît de loin celui qui se rend aux arènes, aux marques de vêtements qu’il porte, aux sigles et logos qu’il arbore. Il se décharge d’une partie de l’effort que réclame l’enjeu de sa passion sur le groupe. Il se laisse porter par le courant. Même si l’aficionado a de tous temps cédé à ses penchants fétichistes, ce phénomène prend de l’ampleur aujourd’hui et constitue un ennemi intérieur redoutable, tant vis à vis des attaques anti-taurines, que des manipulations venant du milieu lui-même, toujours fervent de plumer la poule aux œufs d’or, quitte à ce qu’elle en meure.

La tauromachie permet de grandes joies communes, d’immenses banquets à la vie, salués par les vagues de olés. A son plus haut degré, elle est toutefois une passion intime, une affaire personnelle, un chemin de solitude. C’est sur ce chemin-là qu’avance le tauromache dont je vous parle. Il est comme ces nomades qui vont chaque saison de pâturage en pâturage, et se retrouvent pour de grandes fêtes, d’intenses moments d’échange, puis reprennent leur itinérance. Plus que nomade – le mot lui-même, magnifique, est hélas devenu un concept, une attitude, une « marque »– il se comporte en vagabond. Il va, il voyage, il répond à l’appel de telle ou telle affiche, parce qu’elle l’emmènera vers une ville particulière, une couleur de ciel, un souvenir, une passion, une espérance. Il doit rester insaisissable et surprenant, incrédule et profond, critique et sensible. Ainsi, il est libre. Libre d’être parfois devant le combat de l’homme et du toro, comme devant un poème, une peinture, une symphonie, une œuvre magistrale. Libre d’aimer, et pleinement conscient de la valeur de cet amour.

 

Olivier Deck

(Texte paru sur le site Tauromaquis et reproduit avec l’autorisation de l’auteur)

www.olivierdeck.fr


Frises-et-decors 8978 RR

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